Stérilité
: quels enjeux
pour le couple ?
Geneviève Delaisi de Parseval
Psychanalyste, elle a notamment participé à “Histoire des pères et de la paternité” .
Recueilli par Laurence Ravier.
Source : http://www.psychologies.com
Découvrir que l'on est stérile est souvent
très douloureux... Pourquoi ?
Faire un enfant semble évident et simple pour tout le monde. A la limite,
on ne se pose même pas la question jusqu'au jour où les difficultés
apparaissent. Quand l'un des membres du couple, voire les deux, découvre
sa stérilité, c'est toujours éprouvant. Il faut faire le
deuil de sa fécondité. Beaucoup se sentent alors exclus, rejetés.
Etre dans l'impossibilité d'enfanter est souvent vécu comme une
malédiction, comme un handicap même.
On pense souvent que les femmes souffrent plus de cette absence de maternité,
de ne pouvoir donner vie à un enfant, de le porter, parce qu'elles auraient
en elles, ce puissant désir d'enfanter. Mais toutes n'ont pas forcément
envie d'être enceintes. Et les hommes vivent tout aussi douloureusement
cette stérilité. Ils sont malheureux de ne pas pouvoir assurer
la transmission familiale. Et beaucoup ont l'impression d'avoir soudainement
une dette vis-à-vis de leur père car ils n'ont pu lui donner un
petit-enfant.
Mais la souffrance que traversent ces couples, est aujourd'hui exacerbée
par la place peut-être démesurée qu'occupe l'enfant. Il
symbolise actuellement la réussite du couple, il est investi tel un objet
de représentation, de perfection. Quand il n'arrive pas, la souffrance
occasionnée est alors ressentie par certains comme une véritable
blessure narcissique, une atteinte à l'intégrité physique,
sociale, culturelle.
Quelles sont les incidences sur le couple ?
La découverte de la stérilité est souvent à l'origine
de tensions ou de crises dans le couple. Si l'un des deux seulement est stérile,
il peut se sentir responsable, voire coupable. Mais les problèmes d'infertilité
touchent dans bien des cas les deux partenaires. il est dans tous les cas important
que les médecins fassent passer des examens aux deux, afin de déterminer
les origines et les causes.
Mais bien des couples qui désirent ardemment un enfant vont se tourner
vers la procréation médicalement assistée : ils doivent
alors savoir qu'ils s'engagent dans un véritable parcours du combattant.
Dans lequel la femme est souvent très impliquée car ce sont souvent
elles qui subissent les traitements les plus contraignants, quelles que soient
les origines de l'infertilité du couple. L'entente conjugale est donc
déterminante.
Il faut également parler des répercussions sur la sexualité
du couple. Car bien souvent, la vie sexuelle des deux partenaires n'a plus qu'un
seul objectif : la procréation. Les notions de plaisir, de partage, de
communion passent en arrière-plan. Ce qui entraîne bien des gens
à désinvestir leur relation sexuelle. Cela est particulièrement
vrai quand ils s'engagent dans la procréation médicalement assistée
: beaucoup témoignent alors de leur mal-être quand à cette
sexualité totalement déshumanisée, avec des rapports programmés,
des examens constants, et un rappel permanent de l'état de leurs ovocytes
ou de leurs spermatozoïdes.
Quels conseils pouvez-vous donner ?
Le plus important, c'est de parler, de dialoguer. C'est à deux, ensemble
et unis que le couple doit affronter cette crise. Il faut aussi en parler autour
de soi, mais il est important de trouver les bons interlocuteurs ! Les groupes
de paroles, qui sont encore insuffisamment développés, sont d'excellentes
structures de soutien. Chacun partage ce qui lui arrive avec des personnes dans
la même situation. Le sentiment de solitude est alors moins fort. Enfin,
quand cela est vraiment nécessaire, une thérapie d'accompagnement
peut-être envisagée.
Les couples doivent réaliser qu'ils ont en eux d'immenses richesses qu'il
leur faut exploiter. Sur lesquelles ils peuvent rebondir. Ils peuvent aussi
réfléchir au fait qu'une vie sans enfant n'est pas forcément
une vie ratée. Bien des couples sans enfant ont une existence riche et
épanouie. Il existe d'autres alternatives à la parentalité
! C'est tout un travail de deuil de leur fécondité qu'ils doivent
entreprendre, pour renouer avec un autre sentiment de vie. Il serait peut-être
intéressant de sonder le désir d'enfant qu'ils avaient : pourquoi
? Que représentait ce bébé pour eux. Autant de réponses
qui leur permettront d'avancer, et de décider en toute clarté
d'user d'autres recours pour devenir parents.
Enfin, je me permettrais de donner un dernier conseil aux parents en devenir
: ne faites pas vos enfants trop tard ! On programme tellement les naissances
aujourd'hui que l'on oublie que cela demande parfois du temps, que le bébé
n'arrive pas toujours quand on le souhaite, que bien des femmes ne sont pas
aussi fertiles à quarante ans qu'à trente...