" Acharnement procréatif : où est l'intérêt de l'enfant ? "
Dossier de Jacqueline Remy, L'Express du 16/01/2003.
Source : http://www.lexpress.fr
Sans revenir sur le principe de l'assistance médicale à la procréation, le Pr Sicard, président du Comité consultatif national d'éthique, réclame que l'on évalue sérieusement les risques que certaines pratiques font courir à l'enfant. A-t-il tort? Plusieurs experts en débattent ici avec lui. |
• «On est dans le mirage technologique», Claire Brisset, défenseure des enfants.
• «La procréation artificielle n'est pas une injure à l'ordre naturel», Marcela Iacub, juriste.
• «Il ne faut pas diaboliser l'AMP», Geneviève Delaisi, psychanalyste.
Le Pr Didier Sicard, président du Comité consultatif
national d'éthique (CCNE), a décidé de lancer un cri d'alarme,
cosigné par la secrétaire générale du CCNE, Marie-Hélène
Mouneyrat, et c'est un événement. Depuis le premier bébé-éprouvette
né en France, en 1982, nous avons engagé un combat formidable
et heureux contre la stérilité. Mais ce combat - avec des techniques
de plus en plus sophistiquées, coûteuses, et d'une efficacité
relative - se mue parfois en frénétique course à l'enfant.
Or, en frôlant l'«acharnement procréatif», selon l'expression
de Jean-François Mattei, le ministre de la Santé, mesure-t-on
toujours les risques pour l'enfant à venir? Il faut y réfléchir,
insiste le Pr Sicard.En France, un couple en âge de procréer sur
six consulte pour infertilité. On traite ces couples par l'insémination
avec donneur anonyme (IAD), dans certains cas, mais surtout, depuis 1982, par
fécondation in vitro (FIV) - mise en contact de gamètes de l'homme
et de la femme en éprouvette - par transfert d'embryon congelé
ou, depuis 1992, par injection intracytoplasmique de spermatozoïdes (ICSI).
En 2000 (derniers chiffres connus), environ 7 000 femmes ont été
inséminées par un donneur anonyme. Et 38 000 FIV et ICSI ont été
tentées (6 000 grossesses recensées). Or certaines de ces techniques,
comme le transfert d'embryon congelé et surtout l'ICSI, n'ont pas donné
lieu à des évaluations jugées suffisantes pour être
utilisées sans précaution. Par ailleurs, la stimulation ovarienne
pratiquée dans les cabinets de médecins pour optimiser la fertilité
des femmes, ou dans le cadre de l'assistance médicale à la procréation
(AMP) pour multiplier les chances de réussite, n'est pas anodine: elle
augmente le risque de donner naissance à des jumeaux ou à des
triplés.
En novembre 2001, la défenseure des enfants, Claire Brisset, a saisi
le Comité d'éthique sur les dangers de l'ICSI. Ce dernier doit
rendre son avis dans les jours qui viennent. Mais le débat lancé
aujourd'hui par le Pr Sicard dépasse le cas posé par telle ou
telle technique. Il s'agit, au moment où le Sénat s'apprête
- les 28 et 29 janvier - à se pencher sur la loi de bioéthique,
de s'interroger sur une question largement occultée: où est l'intérêt
de l'enfant? A-t-on le droit de l'exposer délibérément
à des risques médicaux ou psychologiques? Jusqu'à quel
point doit-on accepter les exigences des couples? L'Express a demandé
à plusieurs experts de l'AMP, médecins, psychanalystes, juristes
ou militants, de réagir aux questions posées par le Pr Sicard.
«La réflexion éthique s'impose», Pr Didier Sicard, président du Comité consultatif national d'éthique (CCNE) et Marie-Hélène Mouneyrat, secrétaire générale.
propos recueillis par Jacqueline Remy.
La médecine de la
reproduction fascine, mais n'inquiète pas. En tout cas, pas suffisamment.
Discipline jeune dont chaque progrès suscite l'émerveillement,
touchant à ce que l'être humain a d'essentiel et de plus intime,
cette médecine confère à l'homme l'illusion d'avoir conquis
la maîtrise de la procréation et donc de la continuité de
sa propre espèce. Une illusion qui devrait nous donner le vertige.
Car, s'il faut se réjouir de voir reculer les problèmes d'infertilité
des couples, on doit s'inquiéter de l'aveuglement qui conduit certains
à se lancer dans une course irrationnelle pour échapper aux contraintes
de la nature - l'usure de l'âge ou la nécessité de l'accouplement.
Mais il faut aussi s'interroger sur des techniques plus banales, autorisées
en France dans le cadre de l'assistance médicale à la procréation
(AMP). Ces pratiques, selon les textes, répondent à un objectif
unique: «remédier à la stérilité d'un couple».
Pourtant, elles mettent en jeu un tiers: l'enfant. Qui se soucie de lui?
En succombant à la toute-puissance scientifique qui nous incite à
combattre la stérilité à tout prix, nous avons tendance
à en oublier le fruit. On est bien loin de l'enfant roi. Aujourd'hui,
c'est le désir des adultes qu'on sacralise. Tout se passe comme si ce
désir d'enfant suffisait à assurer magiquement son avenir. Or
certaines techniques d'AMP font courir des risques au bébé qui
va naître. Risque de venir au monde avant terme, d'en garder des séquelles
neurophysiologiques. Risque d'être porteur d'anomalies dont nul, aujourd'hui,
ne pèse vraiment les conséquences psychologiques.
Il est urgent de se poser la question: doit-on toujours satisfaire tous les
désirs de parentalité, même s'ils s'apparentent parfois
à des fantasmes, alors que les techniques employées font courir
des risques à l'enfant auquel elles permettent de donner le jour? Où
est l'intérêt de l'enfant s'il naît dans des conditions fragilisantes
ou s'il doit supporter à vie les séquelles prévisibles
de pratiques dont on a insuffisamment évalué les risques?
Ainsi, les techniques d'induction de l'ovulation (stimulation ovarienne pour
augmenter le nombre d'ovocytes) sont - on le sait - génératrices
de grossesses multiples, facteur de prématurité. Les pratiques
de transfert multiple d'embryons, qui visent à augmenter les chances
de succès, ont conduit parfois les équipes médicales à
mettre au second plan l'intérêt de l'enfant dans un seul souci
d'efficacité. Même si la déontologie actuelle leur recommande
de limiter à trois le nombre d'embryons qu'il est raisonnable de transférer.
De 1995 à 2001, les grossesses multiples ont augmenté de 40% -
12 000 de plus, responsables de 6 000 naissances prématurées supplémentaires.
Qui se soucie de l'avenir - en particulier scolaire - de ces enfants qui, on
le sait, garderont parfois des séquelles de cette prématurité?
Mais c'est la technique de l'ICSI - fécondation réalisée
par l'injection directe d'un spermatozoïde dans le cytoplasme de l'ovocyte
- qui soulève le plus de questions. Elle s'est d'ailleurs développée
sans précaution, hors de toute réglementation: elle n'est même
pas mentionnée dans les lois de bioéthique, et n'a pas été
soumise à une expérimentation animale suffisante, pourtant généralement
exigée. En 2000, le nombre de fécondations par ICSI a dépassé
celui des fécondations in vitro (FIV) classiques. Or il existe une forte
probabilité que cette technique, en cas de stérilité chromosomique
paternelle, transmette à l'enfant cette stérilité (et peut-être
d'autres pathologies associées). De plus, des études récentes
montrent une diminution très nette du sex ratio dans l'ICSI, les filles
étant plus nombreuses que les garçons, a fortiori si le sperme
est «d'origine chirurgicale». L'ICSI a d'abord permis de procréer
à des hommes dont les spermatozoïdes sont rares ou peu mobiles.
Mais, désormais, on va jusqu'à prendre le risque - encore mal
évalué - d'injecter dans l'ovocyte des spermatozoïdes totalement
immatures (spermatides ou spermatocytes) que l'on ponctionne dans les testicules.
Le risque potentiel pour l'enfant s'efface devant l'intérêt immédiat
du couple, qui n'aura pas alors à recourir à un tiers donneur.
Certes, chacun s'accorde pour préconiser un suivi des enfants nés
de l'AMP. Mais ce suivi peut être en lui-même stigmatisant. S'il
est réalisé dans des conditions scientifiques rigoureuses, il
représente un coût très élevé pour la santé
publique. D'une manière générale, les fonds importants
qui sont consacrés à l'AMP - la France est au premier rang dans
le monde pour ces dépenses - le sont hors de tout débat public.
Il serait légitime que la société se prononce sur ces choix.
D'autant qu'ils ne sont pas seulement financiers. C'est l'avenir de ces enfants
qui est en jeu. S'il y a excès, alors il faudra dire clairement et solennellement
que l'enfant n'est pas un objet que l'on peut s'offrir, jeter ou exiger, dans
la précipitation et l'inconscience.
Face à cette course-poursuite, la réflexion éthique s'impose.
Les générations actuelles doivent prendre leurs responsabilités
à l'égard des générations futures. Surtout lorsqu'il
s'agit de donner la vie à des êtres humains.
«On est dans le mirage technologique», Claire Brisset, défenseure des enfants.
propos recueillis par Jacqueline Remy.
Ce qui me paraît
le plus grave, c'est l'acharnement procréatique. On est dans le mirage
technologique. On survalorise la filiation biologique, alors qu'il y a d'autres
moyens d'avoir des enfants, comme l'adoption. On laisse des parents s'enferrer
dans des processus parfois dévastateurs alors qu'on sait qu'il y a un
taux d'échec énorme et que cela coûte extrêmement
cher, tandis que d'autres ne peuvent s'offrir des lunettes ni de prothèses
dentaires. Pour l'ICSI, il faut absolument - et j'ai saisi le Comité
d'éthique à cet effet - procéder à une évaluation
rétrospective de cette technique dont nous ne connaissons pas les effets.
A- t-on, par exemple, le droit de prendre le risque de concevoir des garçons
qui risquent d'être stériles ou hypofertiles sans avoir pesé
ce que cela signifiait? La technique est efficace. Les gens sont contents. On
est dans le court terme. Je souhaite qu'on instaure un moratoire, tant qu'on
n'a pas d'informations suffisantes.
Par ailleurs, quelle que soit la méthode utilisée, je pense qu'on
doit dire la vérité - progressivement - aux enfants conçus
par AMP, qui risquent de l'apprendre brutalement un jour à l'occasion
d'un problème médical. Je n'exclus pas que la France se retrouve
devant la Cour de justice européenne: un enfant a droit à l'accès
aux origines, dans la mesure du possible.
«Un manque d'évaluation», Pr René Frydman, chef du service de gynécologie-obstétrique à l'hôpital Antoine-Béclère, à Clamart.
propos recueillis par Romain Conty.
Il faut avant tout souligner
le manque calamiteux de données sur ce sujet en France. Vingt ans après,
nous n'avons pas réussi à mettre en place un registre transparent
et pertinent des informations sur l'assistance médicale à la procréation.
Il m'est donc très difficile de m'exprimer sans réelle prise en
compte épidémiologique des faits, autre que par les organismes
qui pratiquent l'AMP (c'est de l'autoévaluation, ce qui n'est pas fiable).
Il y a un grand décalage entre ce manque d'information et les pratiques,
qui augmentent de plus en plus, mais je n'ai pas le sentiment qu'il y ait des
dérives. Simplement un manque de réponses objectives, dû
à une absence de vraie évaluation des multiples aspects de cette
pratique et des nouveautés technologiques. Notre rôle de médecin
est de dire que tout n'est pas possible.
Par conséquent, d'informer les couples sur les risques liés à
l'âge de la femme et à différentes incompatibilités
médicales ou psychologiques. Ce qui nous amène, pour notre part,
à opposer beaucoup de refus. C'est un enjeu très difficile. Il
nous est arrivé de conseiller à des couples d'arrêter les
processus et de voir ces personnes très bien réussir par la suite.
La France est l'un des seuls pays au monde qui rembourse l'AMP. La demande est
par conséquent très importante. En 1998, un décret limitant
à quatre les tentatives de fécondation in vitro a été
abrogé par le Conseil d'Etat. Quatre tentatives représentent une
étape: une certaine limitation me paraît bénéfique
pour réduire un certain nombre de coûts physiques, psychologiques,
et combattre un acharnement procréatif. Il y a également une forte
augmentation des pratiques d'ICSI, dont beaucoup ne semblent pas justifiées.
Il est vrai que cette technique comporte encore des risques. Car, chez les hommes
infertiles, il y a souvent des anomalies chromosomiques et un risque de mucoviscidose
qui peut être transmis à l'enfant. Donc, les risques de l'ICSI
sont largement diminués lorsque des examens préalables sont effectués
chez l'homme. Mais ces examens sont-ils réalisés systématiquement?
«La procréation artificielle n'est pas une injure à l'ordre naturel», Marcela Iacub, juriste.
propos recueillis par Jacqueline Remy.
Nous vivons dans un pays
dans lequel le fait d'avoir un corps fertile et d'aimer les individus du sexe
opposé octroie un droit de faire naître des enfants qu'aucun pouvoir
public ou privé ne saurait mettre en question. Ce droit est si étendu
qu'on peut accoucher sous X, faire naître sciemment des enfants grevés
d'un handicap génétique grave et les abandonner ensuite, les handicaper
soi-même pendant la grossesse, par exemple en continuant à boire
alors qu'on est enceinte, etc. Tout cela vous est permis lorsque vous avez un
corps fertile, et plus si vous avez la chance d'être une femme. Or, dès
que l'on se trouve face à l'impossibilité de faire un enfant,
pour des raisons soit biologiques, soit liées à l'orientation
sexuelle, votre projet parental devient suspect: égoïste et irresponsable,
vous coûtez (forcément) trop cher à la communauté,
risquant de surcroît de faire naître des enfants malheureux dans
leur corps ou dans leur esprit.
Certains vous accuseront même de transmettre la terrible malédiction
de faire naître des enfants stériles, lesquels devront à
leur tour demander à l'Etat la grâce d'enfanter. Cet abîme
entre le traitement réservé au premier et au deuxième groupe
m'a toujours semblé très choquant. En effet, tout le monde trouverait
scandaleux qu'on vienne dire aux couples susceptibles de transmettre à
leur enfant une maladie génétique, même grave, qu'ils doivent
se stériliser, ou qu'on interdise l'accès aux maternités
à ceux qui sont trop jeunes ou trop vieux. En revanche, on ne cesse de
nous mettre en garde contre les techniques de procréation artificielle
comme si elles étaient de véritables injures à l'ordre
naturel. Dans les lois dites bioéthiques, ce souci amène à
réserver ces techniques à ceux qui ont toutes les apparences de
cette nature bafouée («un homme et une femme en âge de procréer»).
Dès lors, la loi exclut les personnes seules, les femmes trop âgées,
les couples homosexuels, bref, tous ceux qui ne peuvent pas laisser penser qu'un
coït fécond a été à l'origine de l'enfant né
par ces artifices. Sauver les apparences reste notre morale familiale…
Il est difficile de nier qu'il y a des conditions meilleures ou pires pour être
mis au monde. Mais il semble pour le moins naïf de penser que c'est la
nature dans son divin aveuglement qui est seule capable, au détriment
de la société, de savoir quelles sont ces conditions. Personnellement,
si j'avais eu à choisir, j'aurais préféré naître
d'une femme ménopausée, intelligente et attentionnée, grâce
à une procréation artificielle, que d'une autre de 20 ans, alcoolique,
qui m'aurait abandonnée à la naissance, mais qui m'aurait conçue
par un bel et véritable acte sexuel.
«Le désir d'enfant est irrépressible», Pr François Olivennes, responsable de l'unité de médecine de la reproduction à l'hôpital Cochin.
propos recueillis par Jacqueline Remy.
Je ne suis pas d'accord
avec le terme d' «acharnement procréatif», à moins
qu'on ne parle là de ces couples qui sont traités 20 fois, 30
fois… Les gens qui utilisent cette formule, souvent, pensent qu'il ne
faut pas faire de FIV à n'importe qui. Or le désir d'enfant d'une
femme est irrépressible, et notre devoir est d'y faire face. Mais certains
médecins, dans leur désir de toute- puissance, croient qu'ils
doivent absolument trouver une solution à tous les problèmes d'infertilité.
Cela les conduit à prendre des risques inconsidérés pour
l'enfant, éventuellement pour la mère.
Deux écoles s'affrontent au sein du monde scientifique. L'une soutient
que, dès lors qu'il n'y a pas de risque démontré, on peut
se lancer. L'autre répond que s'il n'y a pas d'innocuité démontrée
il faut s'abstenir. Moi, je n'accepte de pratiquer l'ICSI qu'à partir
de spermatozoïdes complets, et non de spermatides. Quant au danger de transmettre
une stérilité génétique, je ne vois pas le problème:
on ne refuse pas à une femme diabétique d'avoir recours à
l'AMP sous prétexte qu'elle risque de transmettre sa maladie. Le plus
gros problème, à mes yeux, ce sont les grossesses multiples, y
compris les cas de jumeaux, qui provoquent beaucoup plus de complications que
les grossesses simples: les enfants qui en sont issus ont 15 fois plus de risques
de présenter un déficit moteur grave. 1 million d'enfants dans
le monde ont été conçus par FIV, et près de la moitié
sont issus de grossesses multiples. Pourquoi? Parce qu'aujourd'hui tout le monde
évalue l'efficacité de ces techniques en termes de taux de grossesses,
sans s'occuper de savoir si les enfants sont en bonne santé, pas plus
que les mères: pour obtenir un bon rendement, on implante plusieurs embryons.
Par ailleurs, l'induction ovarienne - qui permet d'obtenir plusieurs ovocytes
au lieu d'un - n'est pas sans danger. Nous notons que 10 fois plus de femmes
se voient prescrire ce traitement de stimulation hors FIV, sans aucun contrôle
ni évaluation: ce n'est pas normal.
Les pays scandinaves, de même que le Royaume-Uni, sont en train de revenir
sur ce laxisme. Le gouvernement suédois, qui a calculé le coût
des grossesses multiples pour l'Etat, a même contraint les médecins
à n'implanter qu'un embryon par intervention, en menaçant d'arrêter
les FIV si cette obligation n'était pas respectée. Je serais favorable
à ce qu'on se limite à un embryon dans les couples pour qui le
pronostic de grossesse est très favorable (de 20 à 30% des cas),
et ce quoi qu'en pensent les parents. Ce n'est pas simple en France, car notre
taux de réussite en AMP est très moyen: seuls 15% des embryons
transférés s'implantent. Nous sommes submergés de demandes,
et très mal lotis en moyens et en postes. Par exemple, je n'ai pas de
psychologue, alors que je trouve souhaitable que les couples consultent. Cela
dit, il faudrait commencer par appliquer la loi de bioéthique, qui, en
1994, a imposé aux médecins d'informer objectivement les couples
en leur distribuant un dossier-guide de l'AMP. Ce livret, qui devait être
réalisé par le ministère, ne l'a jamais été.
«Il ne faut pas diaboliser l'AMP», Geneviève Delaisi, psychanalyste.
propos recueillis par Jacqueline Remy.
C'est vrai que l'on doit
se poser ces questions éthiques. Mais il faut peut-être parler
d'abord des parents... La plupart d'entre eux ressortent des AMP sans enfant.
Ce sont en outre, il faut le savoir, les femmes qui portent le poids le plus
lourd, car les indications sont désormais posées pour des cas
d'infertilité masculine. Quant au don d'ovocytes, il est rendu excessivement
difficile par la loi française.
Ce n'est pas simple de lancer un enfant dans l'existence après ce parcours
du combattant auquel s'apparente l'AMP. Il sera sans doute surinvesti: quand
on a consacré des années de sa vie à attendre un enfant,
on a envie qu'il se conforme à ce qu'on souhaite. Mais, dans mon expérience,
ces enfants n'ont guère plus de problèmes que ceux arrivés
naturellement, après un long parcours de traitement de la stérilité.
Il ne faut pas diaboliser l'AMP, qui contribue à réparer le narcissisme
blessé des parents. Je pense que, quelque part, l'enfant qui naît
ainsi doit lui-même «consentir» à s'accrocher, à
naître.
On limite les tentatives de FIV en fonction de l'âge de la mère.
Mais on ne s'occupe guère de l'âge du père! Où est
le véritable seuil du désir d'enfant? Qui peut affirmer que les
parents qui recourent à l'AMP prennent plus de risques que d'autres,
plus classiques en apparence, mais qui peuvent être violents ou particulièrement
immatures? Il n'existe ni dans la loi française ni en psychanalyse de
tampon pour une bonne parentalité.